Analyse : Facebook et Oculus, la fausse bonne affaire ?

 

Rachetée par Facebook en 2014, la société Oculus peine à s’imposer comme une référence dans le secteur de la réalité virtuelle et augmentée. Un démarrage lent qui se ressent dans les ventes et qui inquiète les investisseurs.

 

Le lancement du casque de réalité virtuelle Oculus Rift nous promettait un bel avenir. Pourtant, un an après sa sortie, la déception est bel et bien au rendez-vous : un catalogue d’applications insuffisant, des contrôleurs Oculus Touch commercialisés tardivement, des prix onéreux. Et pour couronner le tout, un procès perdu contre ZeniMax. Facebook a-t-il réellement flairé la bonne en affaire en rachetant la société Oculus ? Analyse.

 

L’Oculus Rift, un casque boudé par les professionnels et le grand public

 

Les ventes de l’Oculus Rift sont-elles vraiment en berne ? Une question à laquelle l’on peut facilement répondre par la positive. Le casque de réalité virtuelle de la filiale de Facebook n’a pas conquis le grand public et le secteur professionnel au cours de l’année 2016. Un récent rapport de SuperData confirme en effet cette tendance : « seulement » 240 000 Rift ont été vendus lors de ces 12 derniers mois, contre 4,51 millions de Samsung Gear VR, qui trust logiquement la première place des meilleures ventes de casques VR.

 

Au total, pas moins de 6,2 millions de modèles ont été achetés dans le monde. En clair, l’Oculus Rift représente à peine 4 % des ventes du marché. Le Daydream View, pourtant commercialisé au dernier trimestre 2016, le dépasse même avec 260 000 ventes. Bref, les chiffres en disent long sur la conjoncture actuelle. L’entreprise américaine peine à vendre son casque, la faute notamment à des prix élevés, une absence assidue aux grandes conférences mondiales (Oculus n’était pas présent au CES 2017) et un léger retard technologique par rapport à son grand concurrent HTC Vive.

 

Un autre événement plus ou moins passé inaperçu dans la presse spécialisée reflète cette pente glissante, mais pas pourtant infinie, qu’Oculus est en train d’emprunter. La compagnie américaine Best Buy, spécialisée dans la vente de matériel électronique pour le grand public, a tout bonnement mis un terme aux démonstrations gratuites de l’Oculus Rift dans ses magasins. Plus de 200 démos’ ont ainsi été retirées, témoignant d’un manque d’intérêt certain à l’égard du casque.

 

Oculus, le rachat de trop ?

 

Souvenez-nous. C’était un 24 mars 2014. Facebook rachetait Oculus VR pour la somme de deux milliards de dollars. Un montant gargantuesque qui avait défrayé la chronique à travers les médias du monde entier. Trois ans plus tard, Oculus et ses fondateurs ont été condamnés à verser un total de 500 millions de dollars à ZeniMax, pour une affaire de vol de données. La note est salée, et représente déjà ¼ de l’acquisition. Le réseau social de Mark Zuckerberg va-t-il l’épauler financièrement ? Une interrogation remplie de zones d’ombres, et dont la réponse hante actuellement les couloirs de l’entreprise.

 

Pour sûr, l’image des deux firmes en prend sérieusement un coup. Même si Facebook n’a pas directement été condamné par les juges, son affiliation à Oculus l’a propulsé malgré elle sur le banc des accusés. Une mise en exergue médiatique qu’aurait certainement voulu éviter M. Zuckerberg. Outre le procès, et au vu des chiffres de ventes, la multinationale ne peut visiblement pas profiter d’un retour sur investissement à la hauteur de ses espérances. Les coûts en Recherche et Développement sont lourds, pour des résultats financiers peu convaincants.

 

R&D : un pari sur le long terme amp ; D : un pari sur le long terme

 

Parier. Une condition sine qua none à tout investissement financier. Mark Zuckerberg a pris le risque d’investir deux milliards de dollars sur Oculus. Un engagement qu’il ne regrette pas, et qu’il compte visiblement poursuivre au vu de ses dernières sorties médiatiques. « Il est important de se rendre compte que le secteur progressera lentement, comme avec les ordinateurs et les smartphones. Nous sommes donc engagés avec Oculus et la réalité virtuelle sur le long terme », a-t-il expliqué. Mais le manque de résultat économique ne rassure en rien les investisseurs. Une frilosité que l’entrepreneur américain a voulu contrecarrer en leur demandant de faire preuve de patience.

 

« Je ne pense pas qu’il y ait une réelle stratégie sur les 10 ans à venir. Je pense juste que les choses vont se mettre en place sur 10 ans. Les premiers smartphones sont arrivés en 2013, pardon, en 2003 : le BlackBerry et le Palm Treo. Et il aura fallu 10 ans pour voir débarquer un milliard de modèles », a tenté de prédire M. Zuckerberg. Un homme de patience, donc, qui semble privilégier la construction de l’écosystème au développement des hardwares. Le groupe a en effet investi 250 millions de dollars dans les jeux VR Oculus.

 

Aujourd’hui, Mark Zuckerberg multiplie les coups de com’ pour rassurer le secteur : offre d’emploi dédiée au management d’une nouvelle division AR, renouvellement des accessoires de remplacement ou encore publication de photos dévoilant des technologies Facebook inédites (gants VR). En mai 2016, la société avait également acquis la start-up Two Big Ears, spécialisée dans le son 3D spatialisé. Force est de constater que Facebook cherche à développer des prototypes aboutis et développés sur le long terme, et surtout de se munir d’une galaxie d’applications capable de proposer des contenus intéressants. Cette stratégie de développement a le mérite de nous apprendre une chose : la réalité virtuelle pour le grand public débarque, mais pas pour demain.